Une ligne invisible à la croisée des fleuves
La ligne de partage des eaux désigne une limite géographique qui divise un territoire en différents bassins versants. De chaque côté de cette ligne, les eaux s’écoulent dans des directions différentes.
La ligne est une synthèse entre l’Ardèche – versant méditerranéen – et l’un des sites majeurs du Parc naturel régional des Monts d’Ardèche, les sources de la Loire au Mont-Gerbier-de-Jonc – versant atlantique.
Située à la frontière occidentale du Parc des Monts d’Ardèche, sa position culminante offre des points de vue grandioses qui permettent de comprendre très facilement les caractéristiques paysagères du territoire.
Pour l’observateur installé au sommet du Mézenc ou au col de la Chavade, la différence est nette. Aux plateaux du Velay doucement vallonnés, empruntés par les eaux de la Loire et de ses affluents, s’opposent les reliefs déchiquetés des Boutières et de la Cévenne ardéchoise. En effet, les cours d’eau des hauts bassins de l’Eyrieux et de l’Ardèche, en dévalant très rapidement pour rejoindre le Rhône, décuplent leur puissance érosive responsable des fortes dénivellations de ce versant. Au contraire, les eaux atlantiques courent sur plusieurs centaines de kilomètres pour atteindre l’Océan.
Mais la différence n’est pas que géographique, elle est aussi biologique. Ainsi, le blageon et le caloptéryx vivent sur le versant méditerranéen tandis que le saumon et la moule perlière peuplent les rivières du bassin ligérien, vers l’Atlantique.
Les frontières des bassins versants ne sont pas immuables. En effet, grâce à leur grande capacité érosive, les cours d’eau du versant méditerranéen grignotent le territoire du haut bassin de la Loire, notamment par la Borne et ses affluents.
« Ce sont les mouvements de l’écorce terrestre liés à la naissance des Pyrénées puis des Alpes qui, au Tertiaire, créent à nouveau des reliefs en soulevant la bordure Est du Massif central de près de 1000 mètres Ce relief conduit les rivières à creuser des gorges profondes pour se raccorder à la vallée du Rhône. A cela s’ajoute, il y a 6 millions d’années, le quasi assèchement de la Méditerranée, évènement appelé crise messinienne. Le niveau de la Méditerranée se trouvant près de 2000 mètres plus bas qu’actuellement, cela entraina un surcreusement spectaculaire de la vallée du Rhône qui ressemble alors à un canyon. Les affluents du Rhône, comme l’Ardèche, ayant alors une pente forte, en accroîtront d’autant plus leur pouvoir érosif. Ainsi, nos vallées cévenoles aux versants à pentes fortes, parallèles entre elles, séparées par des crêtes appelées des serres, sont préfigurées dès cette époque. Malgré la remontée du niveau de la mer à la fin du Messinien, les vallées évoluent petit à petit vers les paysages actuels, notamment pendant le Quaternaire. C’est dans ces paysages caractéristiques des Cévennes que s’installent les jeunes volcans d’Ardèche. »
Maryse Aymes, Géologue, membre du conseil scientifique du Géoparc des Monts d’Ardèche